Edsel 1958 Autopsie d’un désastre
4 mars 2021 Daniel Rufiange
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Le 4 septembre 1957 devait être un grand jour dans l’histoire de Ford. En effet, la firme à l’ovale bleu lançait une nouvelle marque, l’Edsel. Pour l’industrie, il s’agit toujours d’un moment excitant.
Ford avait parlé du E-Day pour décrire la journée du grand dévoilement de sa nouvelle division, reprenant à sa façon l’expression V-Day utilisée pour signifier le jour de la victoire à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les réclames publicitaires annonçaient le E-Day comme la huitième merveille du monde.
En tout, quelque 1300 concessionnaires Edsel attendaient avec impatience l’arrivée des nouveaux modèles. On en comptait quatre, soit Pacer, Ranger, Citation et Corsair.
Tout était en place. La marque Edsel devait révolutionner la façon dont les gens voyaient l’automobile.
Le reste de l’histoire est bien connu. Les modèles n’ont pas eu l’effet escompté sur le marché et en novembre 1959, l’aventure cessait aussi rapidement qu’elle avait débuté.
La qualité
Les raisons sont multiples. La qualité d’assemblage et des problèmes de fiabilité, notamment, n’ont aidé en rien aux premiers pas du produit sur le marché. Concernant cette qualité de construction qui était plutôt ordinaire, il faut savoir qu’à l’époque, les relations de travail n’étaient pas au beau fixe à l’intérieur des usines où était fabriquée l’Edsel. En effet, Ford n’a jamais consacré un lieu propre à la production d’Edsel. Plutôt, on cessait la production de modèles Ford ou Mercury à certains moments pour assembler une quantité déterminée d’Edsel. Les outils n’étaient pas toujours les mêmes et les contrôles de la qualité n’y étaient pas ; la frustration ressentie par certains employés était grande.
Un vieil homme ayant travaillé à la construction d’Edsel m’a déjà confié qu’en certaines occasions, tous les boulons n’étaient pas posés lors de l’assemblage de l’habitacle et qu’en d’autres instances, on laissait volontairement des pièces ou des outils à l’intérieur des panneaux de portes ou de la carrosserie.
À l’époque, une étude avait révélé que 16 % des acheteurs avaient remarqué d’importants défauts au niveau de la fabrication. En sachant tout cela, ce n’est pas étonnant.
Le style
Aujourd’hui, on craque pour le style de la première Edsel. Ça n’avait pas été le cas à l’époque.
Ses lignes, fort controversées, n’avaient tout simplement pas passé. À preuve, elles avaient été nettement adoucies pour 1959 et en 1960, le modèle ne ressemblait plus du tout à celui introduit pour 1958. Pire, aux yeux de plusieurs, la marque symbolisait l’arrogance des grandes corporations américaines, attitude véhiculée par un design trop agressif et une mise en marché prétentieuse.
Ajoutez à cela une crise économique d’importance qui avait frappé en 1958 et vous avez là tous les ingrédients pour l’avènement d’un désastre.
Ce qui est incroyable, c’est que le style différent de l’Edsel n’avait pas été soumis à des groupes de consommateurs (question de voir leur réaction) avant l’introduction de la voiture.
L’aventure de l’Edsel a été, sans contredit, catastrophique.
Au final
Au total, entre le 26 août 1957 et le 19 novembre 1959, quelque 111 000 Edsel ont été assemblées. Aujourd’hui, le modèle est très recherché par les collectionneurs qui y voient là l’occasion de mettre la main sur un important morceau de l’histoire de l’automobile. Ils n’ont pas tort.
L’Edsel, qui devait être la bonne voiture au bon moment, comme le clamaient les publicités du temps, s’est plutôt avérée être la mauvaise voiture au mauvais moment.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]À propos de l'auteur
Si Daniel est aujourd’hui un passionné d’automobiles, il le doit en partie à son défunt père. Né en 1919, ce dernier a partagé avec Daniel non seulement sa passion pour l’automobile mais aussi son histoire. En fait, il n’est pas surprenant d’apprendre que Daniel a jusqu’à très récemment enseigné l’histoire. Mais passionné d’écriture, de voitures, de course automobile et de relations humaines, il a décidé de faire de l’automobile le centre de sa carrière, car elle est au cœur de ce que nous sommes