La Citroën DS est un mythe, c’est une évidence (lire aussi : Citroën DS) mais malgré ses innovations et son look révolutionnaires, elle conservait à son lancement un moteur directement issu de la fameuse Traction. La DS 19 aura certes permis au Général de sortir d’un mauvais pas au Petit-Clamart, mais il lui manquait un peu de noblesse mécanique, et surtout de puissance afin de rivaliser avec les autres berlines européennes. Avec la DS 21, Citroën répondait aux critiques et proposait enfin un moteur (bien que toujours dérivé du même bloc) permettant d’exploiter les véritables qualités de l’auto, et notamment sa fameuse tenue de route.
Certains diront qu’un collectionneur désirant un peu de puissance devrait alors s’orienter vers une DS 23 IE. Certes, mais la DS 23, à carbu ou à injection, s’avère moins représentative : elle n’apparaîtra qu’en 1972, pour tirer sa révérence en 1975, après 20 ans de fabrication de la DS. Le vrai haut de gamme DS sera bel et bien la 21, porte étendard de 1965 à 1972, et disponible aussi bien avec le dessin presque originel (un premier restylage eut lieu au début des années 60) de Bertoni qu’avec la version à phares carénés de 1967.
Entre 1965 et 1973, c’était donc la DS 21 qui représentait le sommet de la gamme DS, après dix années d’un moteur unique. Ce chiffre, le 21, est un peu usurpé d’ailleurs car il ne représente pas la cylindrée réelle du bloc retravaillé et caché sous ses entrailles : la logique aurait voulu qu’elle se nomme DS 22 vus ses 2175 cc ! Il devait sans doute y avoir une volonté, à l’époque, de rester dans les chiffres impairs, car au même moment, la DS 19 voyait son moteur passer à 1985 cc tout en restant appelée 19 A : une incongruité qui sera corrigée en 1968, devenant DS 20 tandis que la DS 21 restait à son chiffre impair, allez savoir pourquoi !
Lorsque la DS 21 apparaissait pour le millésime 1966, elle dépassait la barre symbolique des 100 ch (109 chevaux SAE, soit 100 ch DIN) : un détail pas si anodin, mais aussi un bond en performances, rendant la DS un peu plus raccord avec son image moderne et fluide. Dès lors, la « course à la puissance » (somme toute modeste) n’allait jamais cesser. En 1968, la DS 21 voit son 4 cylindres atteindre les 115 ch SAE (106 ch DIN) puis, en 1969, l’injection (Bosch D-Jetronic) faisait passer la puissance à 139 canassons SEA (125 DIN) pour aller tutoyer les 200 km/h (enfin, 188, mais c’était déjà pas mal, surtout avec la tenue de route de la DS).
Certes la DS 21 se distinguait par une recherche de performance malgré la base antique de sa motorisation, mais elle n’en oubliait pas son statut de « voiture de prestige » que les commandes de l’Elysée ou des grands patrons de l’époque renforçaient encore. Il s’agissait du top de l’offre DS, avec phares additionnels sur les versions d’avant septembre 1967 (les phares restaient à la même inclinaisons pour éclairer droit), et quelques petits détails technologiques (la distance de freinage au compteur, le témoin d’usure des freins). Elle disposait en outre de l’option cuir qui permettait à la DS d’entrer dans le monde du luxe, et de l’option boîte automatique à partir de 1968 (une Borg-Warner à 3 vitesses pas des plus fiables).
Pendant toute la fin des années 60, la DS 21 va régner sans partage sur le haut de gamme français, sans concurrence réelle ni chez Renault (qui tenta bien l’aventure avec une Rambler à 6 cylindres, et dont la Renault 16 à partir de 1965 faisait moins cossue), ni chez Peugeot où la 404 d’abord puis la 504 ensuite semblaient bien trop conventionnels. A tel point que le record des ventes annuels de la DS se situe en 1970 avec 103 673 ventes (toutes versions confondues), 15 ans après son lancement. Pas mal pour une mamie.
La DS 21 disparaîtra en 1972 avec le lancement des DS 23 et DS 23 IE, mais pourtant, il en restera un héritage jusqu’à la toute fin de production en 1975 avec la D Super 5 récupérant le moteur 2175 cc dans sa version 115 ch SAE (pour une vitesse maxi de 175 km/h) ! Mais pour être franc, la DS cette année là faisait pâle figure face à sa jeune sœur sortie un an plus tôt, la CX (lire aussi : Citroën CX) et qui venait tout juste (et en catastrophe) d’adopter le même moteur sur la version CX 2200 coiffant la gamme : il fallait vraiment être un inconditionnel de la DS pour hésiter.
Avec l’arrêt de la production, la DS, quelle que soit sa version, tombera dans l’obscurité du marché de seconde main, s’échangeant pour une poignée de billets. Elle deviendra l’ombre d’elle-même et au début des années 80, c’était devenue une voiture « de manouche » comme le montre très justement le film « Les Démons de Jésus », ou de casseur automobile ! Beaucoup d’exemplaires de DS 21 subiront un sort peu enviable (destruction ou utilisation sans entretien, modification ou abandon). Cette désaffection pour la DS n’a eu heureusement qu’un temps : dans les années 90, les amoureux du modèle reprirent leurs esprits, ressortant leurs vieilles oubliées, restaurant celles qui pouvaient l’être au point d’être devenu un « must » de la collection, surtout dans ses versions les plus désirables, cabriolets usines (lire aussi : Citroën DS Cabriolet Usine), ou œuvre de Chapron directement.
Sachez en effet qu’à partir de 1966 (et jusqu’en 1971), Chapron fabriqua pour le compte de Citroën des DS 21 décapotables au nombre de 401 unités. Encore plus rares, certains modèles coupés, cabriolets ou berlines (comme la Lorraine) du carrossier s’équipaient du fameux 2.2 litres de la 21 ! Mais là, on s’embarque dans une zone de prix dépassant l’entendement. Si vous désirez vraiment du Chapron, orientez-vous alors vers les versions « Prestige » de la berline, fabriquées elles-aussi pour le compte de Citroën, avec vitre de séparation dans l’habitacle.